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Bienvenue sur mon site dédié aux roses anciennes et modernes. Laissez-moi vous conter l'histoire de jardins remarquables, vous présenter des roses méconnues ou oubliées, vous conseiller de beaux livres...

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jeudi 9 mars 2023

Rosa lacteola, la Rosa centifolia des romains

Depuis longtemps, les rosomanes cherchent à identifier qu'elle était la rose à cent feuilles des romains. Rappelons tout de suite que pour les anciens botanistes, les feuilles désignaient les pétales. Depuis l'antiquité, une rose, avec de nombreux pétales donc, force l'admiration mais qui est-elle ?

Selon le philosophe grec, Théophraste, les roses à cent feuilles étaient cultivées dans la plaine de Philippes, en Macédoine. Ces roses n'y croissaient pas naturellement. Les habitants en tiraient l'espèce du Mont Pangée, qui n'est pas très loin. Ils allaient chercher des rosiers sur les pentes de la montagne et les transplantaient chez eux. Ces fleurs avaient beaucoup de pétales mais étaient petites. Ces rosiers, cultivés dans les jardins, donnaient de plus belles roses. Elles avaient peu de parfum.

Pline, le naturaliste romain ajouta que ces roses appréciées mais peu odorantes étaient cultivées aussi dans la Campanie (région de Naples). Il précisa que suivant Cépion, qui vivait sous l'empire de Tibère, la rose à cent feuilles ne s'employait que pour la bordure des couronnes (et non pour le parfum).

Malheureusement, ces précisions de nature géographique nous donnent peu de renseignements sur l'apparence de la rose et surtout sur sa couleur. L'indication du parfum est toutefois une piste non négligeable. Il ne peut s'agir de Rosa damascena qui est très parfumée.

Il faudra attendre le Moyen âge pour en apprendre un peu plus sur cette fameuse rose à centfeuilles. Et c'est l'agronome andalou Ibn-al-Awam au XIIème siècle qui va nous éclairer. Dans son Livre de l'agriculture, il cite la rose double blanche dont le calice réunit plus de 100 pétales. Cent pétales, c'est beaucoup. L'hyperbole induit en fait une multitude de pétales en comparaison avec les autres roses. Mais, nous savons désormais qu'il s'agit d'une Rosa alba.

Viennent par la suite les premières illustrations de roses. Les peintures des maîtres italiens nous mettent sur la voie. Lorenzo Veneziano la peint au moins deux fois sur ses tableaux religieux, dont le somptueux "Vierge et l'enfant", conservé au Musée du Louvre.

Lorenzo Veneziano - 1372

La rose est blanche. Elle fourmille de pétales et laisse entrevoir un coeur rosé. Quelques décennies plus tard, Antonio Guarnerino l'illustre de façon similaire dans son Herbe pincte, en précisant qu'il s'agit d'une Rosa alba.

Antonio Guarnerino - 1441


Vittore Crivelli - 1490



En 1543, le moine italien Angelus Palea nous indique dans son In antidota que la rosa alba est appelée centifolia, en raison de la densité de ses pétales mais qu'à cause de la rugosité de ses épines, elle est comptée parmi les roses sauvages, plutôt que parmi les cultivées, car elle a la plus grande affinité avec les espèces de la "brousse".

Puis, en 1588, le botaniste allemand Joachim Camerarius lui donne un nom pour différencier cette rose des autres roses blanches (nos actuelles Rosa alba semi-plena et Rosa alba suaveolens). Dans son Hortus medicus et philosophicus, il la nomme rosa lacteola (rose laiteuse) et la décrit en latin : elegans rosa, non magna, foliis multis, dense stipatis (rose élégante, pas très grande, à pétales multiples, formée densément). Il confirme que c'est la rosa centifolia (rose à cent feuilles), décrite par Pline. Basilius Besler la représente en 1613 dans son herbier peint "Hortus eystettensis".

Basilius Besler - 1613

La fameuse rose à cent feuilles des jardiniers de l'Antiquité n'a donc aucun rapport avec notre Rosa centifolia actuelle, hybridation "moderne" due à d'habiles horticulteurs hollandais vers 1590. Dommage qu'elle ait perdu ce joli nom poétique, Rosa lacteola, on lui a préféré l'appellation Rosa alba maxima. Maxima faisant référence à un nombre maximum de pétales et non à la taille de la fleur qui est moyenne. 

Martin Schongauer - 1473
La vierge au buisson de roses (détail)

Sa beauté séduit les peintres depuis des siècles, elle est légèrement rosée en son centre. Elle ne contient pas cent pétales mais plutôt une soixantaine, comme l'avait précisé Albert le Grand au XIIIème siècle, dans son traité de sciences naturelles. Elle s'éclaircit à complet épanouissement jusqu'à devenir totalement blanche, comme du lait...

66 pétales pour un exemplaire de mon jardin


une rose magnifique, à floraison unique en mai




Rosa alba maxima
la rose à cent feuilles des Romains